mercredi 19 octobre 2011

La filière ovine en Franche-Comté: présentation et interactions avec le lynx


En Franche-Comté, la présence du lynx pose parfois problème en raison des dégâts qu'il peut provoquer sur des élevages de moutons. Il m’a donc semblé pertinent de faire un point sur la filière ovine dans cette région et dégager le rôle de la Chambre d’Agriculture auprès des éleveurs concernés par le lynx : 

Rencontre avec Yoan AGUER
  Yoan est animateur-chargé de missions Filière ovine à la Chambre Régionale d'Agriculture de Franche-Comté.
Le cas de la Franche-Comté est particulier car il y a peu d’élevages ovins par rapport aux élevages bovins. De ce fait, Yoan Aguer remplit de nombreux rôles diversifiés.


1) Les différents rôles de Yoan : 
  • Il met au point et coordonne le programme d’actions de la filière ovine :

   Réunion entre Coopératives, syndicats ovins et interprofessions ovines pour parler des enjeux de la filière ovine et mettre en place un programme d’action pour l’année.

  • Il anime :
      • Le syndicat pour la promotion de l'élevage ovin et de ses produits, lors de salons grand public par exemple.

      • L'interprofession ovine : 2 types d'actions sont menées. Le premier autour de la communication auprès des jeunes en enseignement agricole (présentation de la filière, cours, organisation des Ovinpiades (cf. ci-contre). Le second autour de la promotion de la viande d'agneau, au travers par exemple de l'action « Agneau presto » résultat d'une alliance Irlande-France-Grande-Bretagne. L’agneau est peu consommé alors de nouveaux produits sont mis au point pour attirer cette clientèle.

      • Les Ovinpiades des jeunes bergers. Elles ont lieu à un niveau régional puis national (les 2 gagnants vont au salon de Paris). Il y a ensuite une finale européenne et mondiale (respectivement en Irlande et Nouvelle Zélande pour l'édition 2011). Cette manifestation permet d’attirer des jeunes et de mieux faire connaître la filière.


  La Chambre donne son appui auprès des coopératives dans leurs restructurations. En 2011 par exemple, la Coopérative Franche-Comté Animaux (filière à la fois équine et ovine) va fusionner avec la Coopérative Franche-Comté Elevage.

La filière ovine organise aussi des formations pour les éleveurs et diffuse des références technico-économiques pour que l’éleveur se repère par rapport à sa région.
Le coordinateur régional permet aussi de faire le lien avec le national dans le cadre de la filière.


2) Quelques chiffres en Franche-Comté

120 élevages de moins de 50 à 100 brebis
240 élevages de plus de 50 brebis
60% du cheptel se trouve en Haute-Saône
59% des OTEX* sont en bovins lait contre 2% en ovins et caprins
Pas d'AOC pour la filière ovine (il y a surtout présence des AOC** fromagers tels le Comté et le Morbier)


3) Les actions de la Chambre d'Agriculture par rapport aux lynx
  • Rappel :  Lois de protection du Lynx lynx
 

Le 19 septembre 1979, plusieurs pays européens (dont la France et la Suède) signent la Convention de Berne. L’Annexe 2 permet d’établir que le lynx européen est à présent une espèce strictement protégée (avant la convention, le lynx était classé seulement "espèce non strictement protégée" et pouvait faire l’objet d’une politique de régulation). La convention s’applique à tous les pays signataires.
   L’Espagne a posé des conditions suivant la région où se trouvait l’animal contrairement à la France.
   





  • Dans le cas des attaques faites par le lynx :
- des discussions avec l'éleveur sont engagées pour mettre en place des solutions
- elle appuie l’éleveur dans ses démarches auprès de la DDT (Direction Départementale des Territoires)
- elle lui fournit les lois exactes en vigueur
- elle l'aide à mettre en place des dispositifs de protection
En 2008 : 15 éleveurs étaient inscrits pour la "formation patou" mais seuls 6 éleveurs étaient présents.

   Ces faits n'encouragent pas la filière déjà fragile.
Même si le bilan de santé de la PAC a permis de ramener le revenu des éleveurs dans la moyenne des autres productions, les demandes d'installation se font rares.
L'élevage ovin valorise souvent des surfaces à faible potentiel, délaissées par les autres productions.
    Les éleveurs sont des acteurs importants de l’entretien de l’espace et cela est à prendre en compte!


     Ceux qui ont des petites troupes ont d’autres préoccupations et caractéristiques que les autres : ce sont parfois des GAEC avec vaches laitières et qui ont introduit un petit troupeau de brebis faute de pouvoir obtenir plus de quotas laitiers.
     Certains ont un troupeau de 50 à 100 brebis chez eux, parfois moins, et travaillent à côté. C’est plutôt ce profil qui est amené à disparaître si un lynx complique l’organisation de l’élevage mis en place.
Ces personnes ne mobiliseront pas forcément les mêmes moyens de protections qu'un agriculteur dont le revenu dépend de son troupeau.
     Dans le Doubs, par rapport à la France, il y a une forte proportion de ces élevages de moins de 80 brebis alors que la concentration de moyens se fait sur des élevages de plus de 80 brebis, éligibles à l’appui technique (en France, cela correspond à ¾ des éleveurs).


   En moyenne 50 constats d’attaques par le lynx sont faits chaque année sur la région Franche-Comté (46 en 2009). Soit on observe des attaques uniques et ponctuelles, soit des foyers d’attaques (on observe même un phénomène de spécialisation des lynx à certains endroits).
Dans ce dernier cas, l'efficacité des solutions mises en place va dépendre entre autres de l'efficacité du chien de protection, de la volonté de l’éleveur (s’il a l’impression de subir ou non les solutions de protection apportées)...
Il faut s’adapter à la structure de l’exploitation, la distribution des troupes sur les différentes surfaces prairiales.

   Les dégâts directs (mort de l’animal et blessures) peuvent être quantifiés mais les dégâts indirects sont plus difficiles à identifiés (stress, avortement…)
Les indemnités vont dépendre de la haute valeur génétique du troupeau ou s’il est inscrit en qualité. Il y a un barème d’indemnisation :
80c/animal faisant partie du troupeau attaqué par un loup
76c/animal faisant partie du troupeau attaqué par un lynx

   Dans le cas d’une attaque, le lynx peut provoquer des avortements et reporter la période d’agnelage.
Ce retard peut avoir des conséquences importantes, notamment dans le cas d'éleveurs commercialisant auprès d'un boucher qui attend un approvisionnement régulier.

   Dans le cas de petites troupes où la pérennité de l’exploitation est mise en cause,  des attaques répétées par le lynx encouragent les éleveurs à cesser leur activité. Tout comme le vol d’animaux incite à arrêter aussi.
Le lynx n’est pas la raison unique, ça fait partie d'un tout.

Mon avis
     On voit ici toute la complexité du problème : mon avis penche pour la préservation du lynx mais cela induit de nombreuses dispositions pour préserver également le gagne pain des quelques éleveurs tristement connus pour être des foyers d'attaques du lynx.
     La filière ovine est fragile en Franche-Comté mais présente des atouts non négligeables pour attirer les jeunes générations. Le lynx ne doit pas les dissuader.
La recherche de dispositifs de protection des troupeaux doit se poursuivre par le biais d'expérimentations sur le terrain.

En savoir plus sur la filière ovine en Franche-Comté : cliquez ici
*OTEX : Orientation Technico-économique des Exploitations
**AOC : Appellation d'Origine Contrôlée


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