lundi 19 décembre 2011

Etat de la population de lynx en Suède et gestion des quotas

En Suède, dans les années 20, la population de lynx boréal était proche de l'extinction mais elle s’est à nouveau développée grâce à la mise en place de mesures règlementaires visant la protection de l’espèce entre 1928 et 1943 :

Répartition de la population de Lynx lynx en 1850                                 Répartition de la population de Lynx lynx en 1920

Répartition de la population de Lynx lynx en 1950                           Répartition de la population de Lynx lynx en 2010

 [Cartes établies à partir des données de Grimsö et Scandlynx]

Depuis, la population du lynx boréal s’étant fortement amplifiée, la chasse aux lynx a été de nouveau légalisée en Suède.
Ce n’est pas le cas de la France où le lynx reste une espèce protégée toute l’année (la population y est encore fragile) : il bénéficie d'une protection totale depuis l'arrêté ministériel du 17 avril 1981 relatif aux mammifères protégés sur l'ensemble du territoire (cf. legifrance). Il est donc interdit de le détruire, le mutiler, le capturer ou l'enlever, de le perturber intentionnellement ou de le naturaliser, ainsi que de détruire, altérer ou dégrader son milieu. Qu'il soit vivant ou mort, il est aussi interdit de le transporter, colporter, de l'utiliser, de le détenir, de le vendre ou de l'acheter.

On compte actuellement plus de 2500 lynx à travers la Scandinavie (Norvège, Suède et Finlande) dont près de 1500 en Suède où les quotas sont passés de 6 en 1995 à 168 en 1998.
Ceci représente un noyau de population important à l'échelle de l'Europe :

Carte européenne de répartition des lynx (à partir des données 2010)
Proportion de lynx dans chaque région de l'Europe

           J'ai réalisé ce secteur pour pouvoir apprécier la répartition des lynx en Europe. On observe que 37% d'entre eux se trouvent en Scandinavie.


          J’ai appris que les captures pouvaient être effectuées de différentes manières en Suède par les chercheurs: 
  •  Des trappes sont installées un peu partout dans le pays et des gardes forestiers et/ou chasseurs sont chargés de les vérifier régulièrement pour en informer Grimsö
Lynx anesthésié dans une trappe
  •  Des chiens entraînés permettent aussi de traquer le lynx. Ce dernier se réfugie dans un arbre, on dispose alors un filet au pied de l'arbre pour pouvoir récupérer l'animal une fois anesthésié.
  •  Parfois par hélicoptère dans le Nord où la forêt est moins dense sur les reliefs. La première étape consiste à repérer l'animal dans une zone restreinte en recherchant ses empreintes dans la neige. Une fois l'animal localisé, l'hélicoptère se lance à sa poursuite en restant très proche du sol (un pilote expérimenté réalise cette manoeuvre délicate) et lance une fléchette anesthésiante sur l'animal.
Lynx endormi par fléchette pour la recherche
          Les chasseurs pratiquent la chasse au lynx à ski avec un chien spécialement dressé. De la même manière, le chasseur suit la piste fraîche d’un lynx dans sa fuite qui se voit obligé de grimper le haut d’un arbre pour échapper au chien. Le chasseur abat ensuite le lynx pris au piège.
          Aucune distinction d’âge ou de sexe n’est faite.

            Les quotas sont répartis de manière hétérogène sur les comtés afin de respecter les différences de densité de lynx et la présence d’élevages à protéger dans la région. La plus grande partie des quotas se trouvent au Nord, dans les zones d’élevage de rennes, gagne-pain du peuple Sami.
La densité de population de lynx est plus faible dans le sud du pays : la colonisation est encore récente et le territoire y est peut être moins attractif car le relief y est moins accidenté.


Chaque année l’Agence Suédoise pour la Protection de l’Environnement, (cf. Naturvårdsverket ou EPA, Swedish Environmental Protection Agency) était chargé de mettre en œuvre la politique environnementale et de faire respecter les quotas déterminés par le gouvernement.
      Aujourd’hui, le rôle des Conseils administratifs de Comté (the County Administrative) a été amélioré dans le nouveau système de gestion des prédateurs. Depuis le 15 Février 2010, plusieurs d'entre eux peuvent à présent décider de la chasse de protection des grands prédateurs, suite à la délégation de l'EPA en vigueur.


       Ceci est une conséquence d'une décision parlementaire établissant un nouveau système de gestion des grands carnivores : il vise a accroître les responsabilités au niveau local. Le gouvernement souhaite établir une gestion décentralisée.


L'EPA reste cependant nécessaire pour:

      • Adopter la réglementation pour la chasse, le recensement de la faune, les indemnisations pour les blessures causées par les prédateurs, etc.
      
• Adopter des niveaux minimums régionaux pour les zones de gestion des prédateurs
     
• Confirmer les résultats du recensement de la faune
     
Surveiller et évaluer le travail des Conseils administratifs des comtés.
     
• Décider de la chasse de protection dans les comtés où les conseils administratifs n'ont pas ce droit
     
Décider des quotas réglementés si les conditions préalables à la délégation ne sont pas encore en place.

      Le résultat du recensement des lynx aboutit à une décision sur le nombre de quotas à autoriser.
Il sera donc intéressant de se pencher dans un prochain article sur la méthode d'estimation de la population utilisée en Suède.

      Une de mes prochaines interview sera consacrée à une personne travaillant au County Administrative car il me semble important d'approfondir leur rôle dans le suivi du lynx.

mardi 13 décembre 2011

Reportage sur le lynx boréal - Arte


Documentaire "Sur la piste du lynx boréal" dans les Balkans sur Arte (rediffusion le 16 décembre 9h15 à ne pas manquer!) :

Parution des Actes du Symposium 2008 Orléans

      Les Actes du Symposium 2008 qui ont eu lieu au Muséum d'Histoire Naturelle d'Orléans sont enfin parus! :)
[Merci à Jacques Baillon et Actu'Lynx pour cette information]
Voici le lien pour le bon de commande de ce document très riche d'informations :


      Ce symposium a été le fruit du travail d'un groupe de personnes et d’organismes passionnés dont voici la composition :


1) Organisation du symposium

- Comité organisateur :
Philippe Guillet (Muséum d’Orléans)
Marie-Paule Lagasquie (Loiret Nature Environnement)
René Rosoux (Muséum d’Orléans)
Didier Papet (Loiret Nature Environnement)
Jacques Baillon (Loiret Nature Environnement)
Pascale Rossler (Loiret Nature Environnement)
Annie Moreau (FERUS)
Farid Benhammou (RGTE-ENGREF)

- Coordination scientifique :
René Rosoux (Muséum d’Orléans)

2) Publication des actes (par le Muséum National d’Histoire naturelle)

- Rédaction et traductions :
Anne Saint Girons
Marie-des-Neiges de Bellefroid
René Rosoux

- Comité de lecture :
Jacques Baillon (Loiret Nature Environnement)
Roland Libois (Université de Liège)
Marie-des-Neiges de Bellefroid (Loiret Nature Environnement)
Éric Marboutin (ONCFS)
Farid Benhammou (RGTE-ENGREF)
René Rosoux (Muséum d’Orléans)
Philippe Guillet (Muséum d’Orléans)
Gilbert Simon (WWF/FERUS)

SOMMAIRE des Actes
Avant-propos : Philippe Guillet
Préface : Eladio Fernandez Galiano
Introduction : Jacques Trouvilliez

     Carte de répartition du lynx boréal et du lynx pardelle en Europe (situation 2010) : Patrick Haffner
     Origine et évolution du genre Lynx : Agnès Testu
     Le lynx en France : apport des données archéologiques et historiques : Cécile Callou
     Le rôle de la France dans le retour du lynx en Europe : Gilbert Simon
     La population de lynx en France : Éric Marboutin, Christophe Duchamp, Pierre-Emmanuel Briaudet, Perrine Moris, François Léger, Yannick Léonard, Alain Laurent, Jérôme Boyer, Michel Catusse et Pierre Migot
     La progression discrète du lynx en France, bilan actuel : Mathieu Krammer
     Observation du lynx à l’état sauvage dans le Massif jurassien. Apport d’un travail naturaliste : Loïc Coat

     Écologie et gestion du lynx en Suisse : Andreas Ryser et Urs Breitenmoser
     Le lynx pardelle en danger critique d’extinction : Miguel Delibes de Castro
     Le lynx en Slovénie : statut et écologie : Miha Kröfel
     Analyse des potentialités d’accueil du lynx boréal (Lynx lynx) dans l’est de la province de Liège (Belgique) : Violaine Thiry, Vinciane Schockert, Roland Libois, Yves Cornet et Samuel van der Linden
     La peur du lynx… ou faire peur avec le lynx ? Le retour du lynx dans le Jura français : Pierre Athanaze
     Vivre avec le lynx ou comment accepter le sauvage : Jean-Claude Génot
     Stratégie de conservation du lynx pardelle en Andalousie : Miguel Anguel Simon, Rafael Cadenas, José-Maria Gil-Sanchez, Marcos Lopes Parra, Leonardo Fernandez, Gema Ruiz et GuillermoLopez

     Le lynx en Allemagne, un retour réussi, même dans les habitats fragmentés ? : Mathias Herrmann et Nina Klar
     Les politiques publiques de protection du lynx d’Europe en France : Nathalie Lacour
     Perspectives géopolitiques du retour du lynx et des grands prédateurs en France : connexions, similitudes et spécificités : Farid Benhammou

     Conclusion : René Rosoux et Marie des Neiges de Bellefroid
     Annexes : Organisation du symposium. Communications, posters, manifestations, Adresses des intervenants, Table des matières

Cette publication constitue le volume 71 de la collection Patrimoines Naturels
Directeur de la publication : Thomas Grenon
Directeur général du Muséum national d’Histoire naturelle
Rédacteur en chef : Jean-Philippe Siblet
Secrétaire de rédaction : Gwénaëlle Chavassieu

mardi 6 décembre 2011

Visite d'un Parc Naturel avant d'aller à Grimsö (4 déc.)

         J'ai loué une voiture pour 2 jours, dimanche et lundi, pour pouvoir faire un premier bout de route jusqu'à Grimsö (situé à 3heures de route environ d'Uppsala) et en profiter pour visiter un Parc Naturel situé pas très loin :
le Parc National Färnebofjärdens (imprononçable ^^ ) où des lynx passent parfois.

Le point A est Uppsala, le point B est Grimsö


Comme il n'y avait pas de neige, je ne me suis pas fait d'illusions : trouver toutes traces de lynx serait difficile!
Le panneau "Attention rennes" indique déjà qu'il y a abondance de l'animal :)

Pas beaucoup d'agriculture à l'horizon...juste de la forêt partout partout partout...
Un bel habitat pour le lynx!
La belle forêt bien verte typique

Avec quelques rochers ici et là...C'est assez féérique comme paysage je dois dire.

Et voici les premières étendues d'eau. Il faut savoir que ce parc est fait de plusieurs îlots entourés d'eau et permet d'abriter de nombreux oiseaux.


Quelques traces de pas d'animaux mais c'étaient celles d'un chien.


Illustration du lynx sur les panneaux d'accueil du Parc.
Le panneau indique "the lynx is sighted regularly" (le lynx y est aperçu régulièrement)
Nous nous trouvons sur la pointe de Östa, sur le point chevauchant le "i"


Tous les points rouges représentent les principaux Parc Naturels Nationaux de Suède.
Uppsala est au Nord de celui de Angsö que je voudrais visiter prochainement lorsqu'il y aura de la neige, très importante pour le pistage d'empreinte de pas!

Excursion jusqu'à Grimsö! (5 déc.)

Le lendemain vers 8h40, me voici donc à Grimsö

SLU veut dire Université Suédoise des Sciences Agricoles
Grimsö est le département de recherche "Conservation Biologique" de cette université.
[L'Université SLU se trouve à Uppsala]

     J'ai pu rencontrer plusieurs scientifiques : Henrik Andrén, Guillaume Chapron et Gustaf Samelius qui m'ont fait part de leurs connaissances sur le lynx, sa gestion en Suède et également sur d'autres structures à rencontrer en Suède.
       Il y a plus de 1500 lynx répartis dans toute la Suède et des tirs sont autorisés chaque année : l'Etat de Suède estime qu'il faut abattre entre 100 et 200 lynx chaque année suivant la dynamique de population...

Maintenant place à la rédaction et à la synthèse de toutes ces infos à ingurgiter!

Je détaillerai notamment les différents types de capture de lynx :
Lynx anesthésié au niveau d'une trappe


Articles à venir très bientôt!

Rencontre avec Eric Girod de la DDT (17 oct. 2011)

     
Organisation des services de la DDT


      Eric Girod travaille à la Direction Départementale des Territoires au Service Gestion des Ressources et Milieux naturels.
Cette rencontre m’a permis de comprendre un peu plus le rôle de la DDT dans la gestion du lynx et d’éclaircir la question des indemnisations:

  • La DDT et le Réseau Lynx
Lorsque le loup ou le lynx commence à apparaître sur un territoire, c’est le préfet qui met en place le Réseau lynx dans le département concerné. Ce réseau d’observateurs permet une transparence des données et de regrouper un panel de gens différents.
L’ONCFS s’appuie sur la DDT pour mettre en place ce réseau à un niveau logistique. La DDT est un coordinateur administratif.
Chaque département a une autonomie plus grande pour le lynx, cela rend le travail plus facile pour centraliser les données.

Le recrutement des correspondants :

Toutes les candidatures ne sont pas retenues. La DDT planifie la formation et celle-ci est dirigée par des personnes de l’ONCFS qui exposent :
- la biologie du lynx
- la reconnaissance des traces
- comment observer des lynx
- comment interroger un témoin
- comment remplir les différents constats (le document remonte ensuite jusqu’au niveau national)


La DDT nomme ces correspondants et les réunit pour un bilan annuel où l’ONCFS Grands Prédateurs présente les actualités et chiffres récents. Cela permet d’entretenir la vie du réseau lynx et de connaître l’évolution de l’espèce.

  • Un point sur les indemnisations
          L’État français a choisi d’indemniser systématiquement les dégâts des grands prédateurs (ours, loup et lynx).
Après chaque attaque, un constat est établi par un agent de l’ONCFS formé à cet effet, si possible dans un délai de 48h (d’autres prédateurs peuvent venir profiter de la dépouille, le constat doit donc être fait dans les meilleurs délais). Les caractéristiques de l’attaque et l’état de la victime sont relevés. Une grille d’analyse permet de renseigner la cause de mortalité et la responsabilité du loup.
Le doute - crédible - profite à l’éleveur : sont indemnisées toutes les victimes de prédations pour lesquelles la responsabilité du loup n’est pas exclue. Les agents de l’ONCFS place généralement un piège photo à côté du cadavre de l’animal attaqué pour attester qu’il s’agit bien d’un lynx (ou non).
Les fiches de constats sont ensuite collectées par la DDT qui les transmet à l’ONCFS. L’indemnisation sera versée à l’agriculteur par l’ONCFS, elle-même financée par le Ministère de l’écologie et du développement durable.

Comme pour les dégâts d’ours ou de lynx, les indemnisations "loup" couvrent les pertes directes selon un barème établi (victimes tuées ou blessées) : elles prennent en charge la valeur de remplacement des animaux, c’est-à-dire le prix d’achat d’un animal vivant de même catégorie.

Les attaques de loup ont un impact plus fort que celles du lynx sur les troupeaux : l’odeur et le mode d’attaque peuvent provoquer un stress important du troupeau, susceptible de générer des avortements, un arrêt de la lactation, une moins bonne prise de poids des animaux et la dispersion du troupeau (risques de dérochement et de disparition de certains animaux). Aussi, l’indemnisation des attaques de loup inclut un forfait de compensation des pertes indirectes et la prise en charge des animaux disparus à hauteur de 15% des pertes directes. Les frais vétérinaires peuvent être compensés à hauteur de la valeur de l’animal. La décision appartient au préfet d’indemniser ou non l’agriculteur.
Source : http://www.loup.developpement-durable.gouv.fr/
Les conséquences sur le troupeau n’étant pas les mêmes dans le cas du lynx et celui du loup, les barèmes d’indemnisation sont différents. Par exemple, comme déjà préciser dans un précédent article, l’exploitant est indemnisé :
- 80c/animal faisant partie du troupeau attaqué par un loup
- 76c/animal faisant partie du troupeau attaqué par un lynx


  • Comportement Lynx vs. Loup
Le loup a un instinct tueur, contrairement au lynx, qui le pousse souvent a tué davantage que ce qu’il ne peut manger. Cet animal a une grande capacité de prédation : on passe de 1 à 2 cadavres par an avec le lynx à 10 à 14 cadavres par an pour le cas du loup. Il crée un plus gros choc au troupeau aussi.
Ce qui est assez typique chez le lynx c’est sa discrétion : il ne prélève en général qu’un seul animal à la fois et économise son énergie. Lors de sa consommation, il commence par les flancs, nettoie les os, ne démonte pas le squelette et ne mange pas les viscères. La perforation est généralement très fine dans le cas du lynx (environ 3mm de diamètre).
C’est à cela que l’on peut distinguer une attaque de lynx d’une attaque de loup.
Dans les espaces boisés, on recense 1 lynx aux 10 000ha (0.90 lynx aux 100km2) [Session intensive 2011 de piégeage photographique du Lynx (Lynx lynx) en Franche-Comté : estimation de densité sur deux sites de référence. Sylvain Gatti, Laetitia Blanc, Olivier Gimenez, Eric Marboutin].

Le lynx profite des opportunités : si un élevage est sur son territoire et qu’il le croise durant ces expéditions. Le loup, lui, va chercher ses proies, modifier son territoire ou son parcours pour en trouver, il fait plus d’écarts.

Une des conséquences de ces différences de comportement est que la perception est plus légère pour le lynx que pour le loup.